Sonnerie!... Comme dans tous les centres de
secours de France et d'ailleurs, elle est instantanément suivie d'un
galop de bottes qui résonne dans les couloirs. Laissant là toute occupation,
les pompiers du poste principal du service de sauvetage et de lutte
contre l'incendie des aéronefs de l'aéroport d'Orly se ruent vers les
énormes camions Sides S 2000 Mark 3, tapis dans l'ombre de la remise
comme de grands fauves rutilants.
Casques, vestes de protection, les hommes s'équipent à bord. Les moteurs
rugissent, les gyrophares clignotent, la radio grésille, puis... on
attend. Seule la voiture de liaison du chef de manoeuvre a quitté la
remise et file vers le bout de la piste. Fausse alerte ? Exercice ?
Non, mais une alerte de niveau 1, la plus bénigne et, heureusement,
la plus fréquente.
Appelée "état de veille", elle est déclenchée
quand un pilote a signalé ou si l'on soupçonne des défaillances à bord
sans que celles-ci soient de nature à entraîner normalement des difficultés
graves à l'atterrissage, ou si les conditions météorologiques sont dégradées.
Aussitôt , la tour de contrôle répercute l'appel au service de sauvetage
et de lutte contre l'incendie des aéronefs qui sonne un préavis d'alerte
au niveau du poste principal de l'aéroport.
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Exercice d'incendie sur la
carcasse d'un vielle "caravelle" |

Dans la remise du poste principal
d'Orly, un puissant S 2000 Mark 3 (à gauche) voisine avec un fourgon
mixte classique destiné à intervenir en cas de sinsitre dans les locaux
de l'aéroport.
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Le poste secondaire, situé à l'autre extrémité
de la plate-forme, n'est pas solicité. Pour plus de sécurité, le chef
de manoeuvre se porte en bout de piste, à la rencontre de l'appareil,
afin d'examiner l'incident avec le commandant de bord.
C'est un exemple parmi les quatre cents interventions aéronautiques
qu'ont en moyenne à traiter, chaque année, les sapeurs-pompiers de l'aéroport
d'Orly dont la garde est assurée par une équipe de trente hommes qui
se relaient toute les vingt-quatre heures.
Grâce aux progrés techniques et à la qualité des matériaux actuels,
un simple incident reste sans conséquence dans l'immense majorité des
cas. Il n'en était pas de même il y a encore quelques années, où la
moindre fuite hydraulique pouvait dégénérer en catastrophe ; par exemple
un feu de train d'atterrissage, bête noire des sapeurs-pompiers aéroportuaires.
Un tel sinistre présentait en effet des dangers
considérables, aussi bien pour les passagers, qui devaient être évacués
par toboggan, que pour les sauveteurs en raison des risques énormes
qu'ils prenaient pour approcher les pneus susceptibles d'éclater sous
l'action de la chaleur.
Si les probabilités sont aujourd'hui presque nulles de voir se produire
de tels sinistres, il n'est cependant pas question de les négliger.
Comme dans toutes leurs interventions, les sapeurs-pompiers font jouer
les deux règles de rapidité et d'anticipation.
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Ainsi, deux autres niveaux d'urgence peuvent
être déclarés en fonction de la gravité potentielle de la situation.
Le niveau 2, dit "état d'alerte", est déclenchés si un pilote a signalé
ou si l'on soupçconne qu'un aéronef a subi, ou risque de subir, une
défaillance de nature à entraîner un risque d'accident : un pneu qui
a éclaté au décollage, un volet de direction qui reste coincé, un ennui
hydraulique, etc. Durant cette période, les véhicules incendie sont
déployés à des emplacements prédéterminés par les consignes opérationelles
de l'aérodrome.
Plus grave encore le niveau 3 , dit "état d'accident", qui est déclenché
lorsque s'est produit ou va se produire inévitablement un accident d'aéronefs
sur l'aérodrome ou à ses abords. C'est l'alerte générale. Dans cette
hypothèse, les moyens du service de secours sont mobilisés pour circonscrire
en un minimum de temps l'accident. Outre le service d'incendie ; le
service médical, la gendarmerie, la police et les services généraux
de l'aérodrome sont mobilisés, le préfet est informé de la situation.
Quel que soit le niveau de l'alerte, les sapeurs-pompiers ont l'obligation
d'être en mesure de projeter dans un delai de trois minutes, sans discontinuité,
un débit de mousse égal à 50 % au moins du débit prévu pendant au moins
une minute.
L'ensemble de ces mesures obéit à des règles internationales qui s'appliquent
dans le monde entier à tous les aérodromes.
Des exercices d'alerte sont organisés régulièrement afin de tester la
chaîne des secours.
Bien qu'elle soit territorialement située à
cheval sur deux départements - le Val-de-Marne et l'Essonne, la plate-forme
d'Orly dépend administrativement du premier.
De même, la plate-forme de Roissy-Charles-de-Gaulle, qui étend une partie
de son emprise sur le Val-d'Oise, la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis,
est rattachée à cette dernière.
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le canon-mousse permet une
attaque massive du feu à une distance maximum de 85 mètres du foyer.
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Les sapeurs-pompiers des
aérodromes de Paris
sont équipé d'une veste d'intervention textile.
Le casque F1 est de couleur rouge et
muni d'un protège-nuque.
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Etre pompier aux aéroports de Paris exige
une formation spécifique et des connaissances approfondies en matière
d'aéronautique. Tous sont déjà sapeurs-pompiers lorsqu'ils postulent et
ont derrière eux plusieurs années de service. Les trois mois de
formation que doivent accomplir les candidats n'ont donc pas pour but de
leur apprendre les bases qu'ils connaissent déjà, mais de leur enseigner
la doctrine toute particulière qui s'applique aux feux d'aéronefs. Cette
technique originale consiste à projeter de la mousse pour empêcher la
montée d'une chaleur rayonnante à l'intérieur de la cellule en chassant
les flammes vers l'extérieur et en créant un couloir de survie que les
passagers emprunteront pour évacuer l'avion. Tout cela ne doit pas
faire oublier qu'à Orly, aussi bien qu'à Roissy-Charles-de-Gaulle, les
pompiers assument, parallèlement à leur spécialité aéronautique, les
tâches traditionelles de tout sapeur-pompier : protection contre le feu
des locaux de l'aéroport et secours aux personnes. Et quand on sait que
plus de soixante-dix millions de passagers - sans compter les personnes
qui les accompagnent - fréquentent chaque année les deux plates-formes
parisiennes, on peut imaginer qu'une certaine importance est accordée au
secourisme... |